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Le hasard

C’est un titre sobre qui en cache beaucoup !

Définition du hasard

Historique

Cournot

D’abord, Cournot définissait le hasard comme la rencontre incongrue de deux séries causales bien déterminées. On peut y avoir une peur du hasard dans le sens où celui-ci échappe à la compréhension de certains, mais pas des malins comme Cournot !

En effet, puisqu’il s’agit d’un évènement de l’univers, alors il doit bien être déterminé par une cause. Celle-ci étant elle-même déterminée par une autre cause et ainsi de suite. C’est l’idée des séries causales. Et d’après Cournot, c’est lorsque deux séries causales qui n’avaient rien à voir se rencontrent que le hasard naît. Par exemple, la série causale dans laquelle vous réfléchissez à ce que vous allez manger ce soir en marchant dans la rue et d’un coup, en tournant au bout de celle-ci apparait dans votre champ de vision une magnifique boutique de pâtisseries tunisiennes. C’est absurde de ne manger que ça pour le dîner mais si c’est apparu comme ceci c’est alors qu’il y a une raison…

Bergson

Alors pourquoi on se laisserait tenter par les pâtisseries tunisiennes au diner ? Bergson explique que le hasard est tel qu’il est puisque l’homme s’y projette. Et dès lors que celui-ci s’implique dans un enchainement mécanique de causes et effets, alors il s’agit de hasard. C’est ainsi qu’on explique que “le hasard fait bien les choses” ! Quel orgueil l’homme…

« Il n’y a de hasard que parce qu’un intérêt humain est en jeu et parce que les choses se sont passées comme si l’homme avait été pris en considération, soit en vue de lui rendre service, soit plutôt avec l’intention de lui nuire. […] Vous ne voyez plus que du mécanisme, le hasard s’évanouit. Pour qu’il intervienne, il faut que, l’effet ayant une signification humaine, cette signification rejaillisse sur la cause et la colore, pour ainsi dire, d’humanité. Le hasard est donc le mécanisme se comportant comme s’il avait une intention » - Henri Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion, Paris, Presses universitaires de France, 1951, 340 p., p. 154-155

On passe au sérieux

D’abord il faut distinguer le hasard intrinsèque aux choses du hasard qu’on doit au manque d’information. Le premier s’appelle le hasard ontologique et le deuxième, le hasard épistémique.

Le hasard ontologique

Ontologie se compose de onto‑, tiré du grec ôn, ontos, « étant, ce qui est », et de ‑logia, tiré du grec logos, « discours, traité » (d’après la 9ème édition du dictionnaire de l’Académie Française).

Parenthèse de contemplation de sémantique : ce mot est magnifique. Déjà parce qu’il fait partie du charabia du sous-titre de L’Être et le Néant de Sartre (je parle de l’essai d’ontologie phénoménologique) mais qui plus est pour son sens. Lorsqu’il est employé, il donne à la phrase le sens de ce qui est propre à la chose. C’est magnifique.

Pour amorcer cette partie, j’aimerais citer l’article d’Alexia Auffèves que vous trouverez ici : https://lejournal.cnrs.fr/billets/quest-ce-que-le-hasard-quantique. Elle y décrit une expérience de pensée géniale pour comprendre aisément, que voici :

Le hasard apparaît aussi dans une autre branche célèbre de la physique : la mécanique quantique, qui vise à étudier à l’aide d’appareils de mesure macroscopiques des objets invisibles à l’œil nu. Du fait de leur petite taille, ces objets se trouvent dans des états extrêmement fragiles, qui sont violemment perturbés par l’appareil de mesure. On peut le comprendre, en réalisant que pour mesurer la position de cette table, je me sers de la lumière qu’elle renvoie. Or la lumière est constituée de grains, les photons. Imaginons maintenant que la table devienne microscopique : dans ce cas, le choc avec un seul photon va communiquer une vitesse à la micro-table, perturbant de façon aléatoire sa position et la rendant imprédictible.

De cet exemple idéalisé, on comprend que le hasard qui se manifeste à l’échelle quantique est d’une tout autre nature que le hasard classique. Aucune information supplémentaire ne peut l’éliminer, car il vient de l’opération de mesure même. On peut parler de hasard ontologique (fondamental, essentiel), par opposition au hasard classique, qui est épistémique (dû à l’ignorance).

D’un autre côté, j’aimerais parler de la discorde entre Albert Einstein et Niels Bohr. Il me semble que c’était au congrès de Solvay de 1927 où Einstein a dit “Dieu ne joue pas aux dés avec l’Univers”. En effet, Einstein défendait une vision déterministe de la physique et avançait que si nous ne parvenions pas à maitriser ou interpréter certains résultats, c’est parce que nous n’avions pas les connaissances suffisantes.

De l’autre côté, Niels Bohr, l’un des fondateurs de la physique quantique, prônait le hasard ontologique. D’ailleurs celui-ci lui aurait répondu “Einstein, cessez de dire à Dieu ce qu’il doit faire !” (rap contenders à 200 qi de moyenne).

Ainsi, Einstein reprochait à la mécanique quantique d’être incomplète et Bohr de son côté disait que l’indétermination quantique est fondamentale. Et vous savez qui a tranché entre les deux ? Alain Aspect ! Cocorico. Alain Aspect, Prix Nobel de physique de 2022 a montré que certains phénomènes sont ontologiquement aléatoires.

Je me demande si le big bang aurait pu se produire sans ce hasard ontologique. La réponse est évidemment non. Je reformule : je me demande s’il existe une syntaxe logiquement correcte qui permettrait de démontrer ce résultat à partir de ce que l’on sait du big bang pour étayer ma remarque simple d’esprit.

Le hasard épistémique

Celui d’Einstein donc. Celui qui stipule que si l’on ne parvient pas à un résultat exact c’est parce qu’on ne sait pas tout et qu’il doit exister des variables locales cachées. Ca me fait penser aux théorèmes d’incomplétude de Gödel tout ça, je ne sais pas quel rapport attribuer à tout cela si ce n’est les balades de Gödel et Einstein à Princeton qui se demandaient si la science pouvait tout prouver et si elle avait des limites. Je pense pouvoir avancer avec certitude que j’écrirai un article dédié aux théorèmes d’incomplétude de Gödel. Ils m’angoissent, pas vous ?

Un exemple que je trouve formidable pour illustrer le hasard épistémique est le lancer de dé. Il semble qu’on ait 1 chance sur 6 de tomber sur n $1 \leq n \leq 6$, mais si l’on prend en compte la position de départ du dé, les forces de friction, la gravité et toute autre sorte de force appliquée au dé, on pourra faire ressortir une face plus que les autres. Ainsi, plus on accumule d’éléments à propos de l’environnement et plus on a un résultat précis.

Questionnement

Et du coup, le fait que je ne trouve pas de copine c’est du hasard ontologique ou épistémique ? C’est sûrement pas du hasard tout court.


Dernière mise à jour le 01/06/2025